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Où que nous allions, à Londres ou à Bruxelles, à Barcelone ou à Sydney, à Chicago ou à Buenos-Ayres, partout nous avons des compagnons qui sentent et parlent comme nous. Sous la grande forteresse qu’ont bâtie les héritiers de la Rome césarienne et papale, le sol est miné partout et partout on attend l’explosion. Trouverait-on encore, comme au siècle dernier, des Louis XV assez indifférents pour hausser les épaules en disant : « Après moi le déluge ! » C’est aujourd’hui, demain peut-être, que viendra la catastrophe. Balthazar est au festin, mais il sait bien que les Perses escaladent les murailles de la cité.

De même que l’artiste pensant toujours à son œuvre la tient en entier dans sa tête avant de l’écrire ou de la peindre, de même l’historien voit d’avance la révolution sociale : pour lui, elle est déjà faite. Toutefois nous ne nous faisons point illusion : nous savons que la victoire définitive nous coûtera encore bien du sang, bien des fatigues et des angoisses. À l’Internationale des opprimés répond une Internationale des oppresseurs. Des syndicats s’organisent de par le monde pour tout accaparer, produits et bénéfices, et pour enrégimenter tous les hommes en une immense armée de salariés. Et ces syndicats de milliardaires et de faiseurs, circoncis et incirconcis, espèrent non sans raison, que par la toute puissance de l’argent ils auront à leurs gages les gouvernements et tout leur outillage de répression : armée, magistrature et police. Ils espèrent aussi que par l’habite évocation des haines de races et de peuples, ils réussiront à tenir les foules exploitables dans cet état d’ignorance patriotique et niaise qui maintient la servitude. En effet, toutes