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Francs —, lorsque les scribes locaux du moyen âge et de la Renaissance, en général sommairement instruits, les translatèrent à leur tour en roman, en langage vulgaire, et surtout en français, ils les travestirent de si étrange façon, en les inscrivant sur les actes publics, que la plupart d’entre elles perdirent toute signification.

Le Dictionnaire topographique de la France, publié par ordre du Ministre de l’Instruction publique, en fournit la démonstration convaincante.

Parmi les noms de lieu consignés dans ce précieux recueil par nos savants archivistes départementaux, les formes orthographiques de certaines appellations locales sont tellement dissemblables, qu’il est fort malaisé de savoir si elles appartiennent à la même famille, malgré leur degré de parenté manifeste.

La connaissance approfondie des dialectes locaux et des langues-mères dont ils dérivent, s’impose donc impérieusement lorsqu’on veut étudier avec fruit l’origine, la formation et l’orthographie[1] des noms géographiques ; mais, il n’est pas inutile de le redire encore, pour écrire correctement un nom de lieu, il faut, avant tout, connaître son exacte signification.

La négligence de ce principe fondamental, jointe au dédain professé par certains auteurs pour la phonétique dialectale, a facilité l’introduction, dans la toponymie méridionale, d’une multitude de dénominations erronées dont le sens et la structure orthographique sont aujourd’hui complètement dénaturés.

Sous ce rapport, la responsabilité des anciens géographes, et celle des hommes plus ou moins incompétents qui ont collaboré à leurs travaux, est entière ; malheureusement, parmi les successeurs de ces ouvriers de la première heure, fort peu se sont donné la peine de vérifier l’exactitude des dénominations topographiques de leurs devanciers.

  1. Étymologiquement, le seul synonyme correct d’« Orthographe » est Orthographie (ὀρθός ═ droit, et γράφω ═ j’écris), c’est pourquoi je l’emploie intentionnellement. Ne dit-on pas, en effet, Cartographie, Cryptographie, Géographie, Ichnographie, Iconographie, Iconologie, Ichtyologie, Lithographie, Photographie, Sténographie, etc. ? Oserait-on dire faire de la « Cartographe, de la Géographe » ? Quel accueil réserverait-on à celui qui affirmerait que telle « lithographe » ou telle « photographe » est bonne ou mauvaise, en parlant d’une lithographie ou d’une photographie ? Il n’y a donc aucune raison pour ne pas écrire Orthographie.