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CHAPITRE VII

LES MAUVAIS AUTEURS



De même il est bon de lire quelquefois les mauvais auteurs. Ceci est très dangereux ; mais, si l’on y met de la discrétion, très salutaire encore.

C’est très dangereux : « Pourquoi aimez-vous, ce me semble, la conversation des imbéciles ?

— Ils m’amusent infiniment.

— Il ne faut pas se livrer beaucoup à cette volupté. Elle est malsaine. C’est un plaisir de malice qui est très sec et très desséchant et qui rend l’esprit très aride. Flaubert adorait les imbéciles. Il rêvait de faire une encyclopédie de la sottise et il en a donné deux gros volumes. C’est déjà trop. À ce jeu, on s’habitue à un immense orgueil et à se considérer comme infiniment supérieur, ce qui d’abord est assez déplaisant, et ce qui ensuite rend très peu capable de grandes choses ; car c’est en regardant en haut qu’on fait effort et qu’on tire de soi tout ce qui est possible qu’on en tire. Il n’y a rien de plus inutile que la grande partie de sa vie que Boileau a passée à lire de mauvais auteurs pour se moquer d’eux, et je vois là une grande petitesse d’esprit.