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Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/48

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peu au-dessus de la moyenne, et c’est un éloge à faire d’une pièce que de dire qu’elle peut être lue.

Et les troisièmes sont celles, si nombreuses, qui sont au-dessous du talent des acteurs et que les acteurs relèvent.

Et les quatrièmes sont celles que les acteurs font, dont les véritables auteurs sont les comédiens ; et elles sont les plus nombreuses de toutes.

Tout auteur qui écrit une pièce en vue d’une étoile, en vue de tel ou tel acteur ou de telle ou telle actrice, n’écrit point pour le lecteur, se résigne à n’être pas lu et condamne en vérité sa pièce comme œuvre d’art.

Tant y a qu’il existe des pièces qui sont très bien faites pour être lues et même relues ; ce sont les plus profondes et les plus subtiles, et les noms de Racine et de Marivaux, plus encore que ceux de Corneille et de Molière, viennent à l’esprit, comme aussi ceux de Sophocle et de Térence.

Il faut donc lire les bons ouvrages dramatiques ; mais ici encore il y a une manière particulière de lire et tout à fait particulière. Pour pouvoir lire une pièce, il faut avoir été assez souvent au théâtre ; car il faut, en lisant une pièce, la voir, la voir des yeux de l’imagination telle qu’on la verrait sur un théâtre. Cela est indispensable. Comme le véritable auteur dramatique écrit sa pièce en la voyant jouer, en voyant d’avance les acteurs qui entrent et qui sortent, qui se groupent et qui ont, en s’adressant