Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/10

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que chose. Il se rapproche en effet autant de celui de la Folie « Μωρία, » que vous-même vous éloignez de la chose, comme tout notre siècle en rend témoignage. Ensuite je me suis flatté que ce badinage serait de votre goût ; car s’il m’en souvient bien, vous aimez la plaisanterie quand elle est bonne et littéraire, et vous considérez les choses humaines avec les yeux de Démocrite. Bien au-dessus du vulgaire par l’élévation de votre intelligence, vous avez encore l’art, grâce à la singulière aménité de votre caractère, de vous mettre sans qu’il vous en coûte à la portée de tout le monde ; d’être en un mot, comme le dit le proverbe latin, l’homme de toutes les heures.

Je compte donc que non-seulement vous agréerez cette bluette en souvenir de votre ami, mais encore que vous la prendrez sous votre protection : elle vous est dédiée, elle n’est plus à moi. Contre elle, je le prévois, la critique ira jusqu’à la calomnie. On criera que de pareilles plaisanteries sont indignes de ma gravité théologique, et que la charité chrétienne ne doit pas mordre ainsi. On ne manquera pas de dire que je me suis essayé à faire revivre la manière de Lucien et les licences de la comédie antique ; bref, que je prends plaisir à déchirer tout le monde à belles dents. Je prie cependant ceux que la légèreté de mon œuvre pourrait offenser de se rappeler que je ne fais que suivre l’exemple