Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/11

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de beaucoup d’auteurs anciens qui ont donné les modèles du genre. Combien y a-t-il de siècles qu’Homère a chanté le combat des rats et des grenouilles ; Virgile, le moucheron et je ne sais quel mets bizarre de la cuisine romaine ; et Ovide, l’excellence du noyer ? Polycrate a fait l’éloge de Busiris, et Isocrate l’a réfuté. Glaucus a célébré l’injustice ; Favonius, Thersite et la fièvre quarte ; Synésius, la calvitie ; Lucien, la mouche et le parasite. Sénèque était-il bien sérieux lorsqu’il raillait l’apothéose de Claude, ou Plutarque lorsqu’il faisait dialoguer avec Ulysse son compagnon Grillus, changé en pourceau ? Lucien et Apulée, on ne peut le nier, doivent bonne partie de leur renom à leur Âne d’or, et saint Gérôme ne se fait faute de citer le testament d’un cochon de lait écrit par je ne sais qui.

Que si mes critiques ne se contentaient pas de ces raisons, rien ne les empêche de s’imaginer que pour m’amuser je joue aux échecs ou que je chevauche un bâton. Il serait par trop injuste d’interdire aux gens de lettres des distractions permises dans toutes les autres conditions de la société, surtout lorsqu’au fond de leurs badinages se trouvent cachées, sous une forme agréable et adroite, des choses qui éveillent chez le lecteur un peu fin, certaines idées qu’il n’eût jamais tirées de pompeuses gravités que nous pourrions citer ! Vous les connaissez comme moi, mon