Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/101

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le triste dialectique peut nous faire juger de celle des autres, eût été aussi profond qu’on l’est aujourd’hui, il se serait bien gardé de condamner les questions, les définitions, les déductions, et, comme il le dit, ces vaines disputes de mots. Et cependant, de son temps, il n’y avait encore que des discussions de paysans grossiers, si on les compare aux subtilités de nos docteurs, qui en remontreraient à Chrysippe lui-même ! Rendons pourtant justice aux seigneurs théologiens, ils ont la modestie de ne pas condamner les naïvetés si peu magistrales des apôtres ; ils ne font que les interpréter à leur guise, déférence qui vient au moins autant de leur vénération pour l’antiquité du texte que de leur respect pour le titre d’apôtre. — Mais il me semble entre nous qu’ils se montrent un peu exigeants envers les disciples de Jésus, puisque leur maître ne leur a pas enseigné toutes ces belles choses.

Si, par hasard, nos théologastres rencontrent cette même faute, qu’ils ont bon gré, mal gré, pardonnée chez les apôtres, dans Chrysostome, Jérôme ou Basile ; c’est pour le coup qu’ils ne se gênent plus ; ils écrivent en marge, sans plus de façon : non tenetur, cela n’est pas admis. Ces pères avaient à catéchiser des philosophes, des païens et des Juifs, gens très-opiniâtres de leur nature. Leurs vies et leurs miracles suffisaient bien pour cette besogne, ou auraient échoué tous les syllogismes, car ils se trouvaient en face de gens dont pas un n’eût été en état de comprendre n’importe quelle proposition de Scott. Aujourd’hui quel idolâtre, quel hérétique ne