Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/102

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baisserait immédiatement pavillon devant les arguties de l’école, à moins d’être assez stupide pour ne pas les comprendre, ou assez impudent pour les siffler ? Il pourrait arriver aussi que, nourris dans les mêmes jongleries les adversaires soient à armes égales ; alors c’est un chevalier qui lutte contre un chevalier, c’est un magicien armé d’un glaive enchanté qui combat pareil ennemi, muni d’une arme semblable, et le combat avance avec le même rapidité que la toile de Pénélope.

Selon moi, les chrétiens feraient bien, au lieu de ces lourds bataillons qui, dans les dernières croisades, n’ont pas fait merveilles, d’envoyer, contre les Turcs et les Sarrasins, les Scottistes bavards et les Ockamistes opiniâtres, les Albertistes indomptables avec tout le reste de la milice sophistique. Le combat serait curieux et la victoire bien extraordinaire. Quel soldat pourrait regimber contre l’éperon de tels généraux ? Quel aiguillon pour réveiller les plus engourdis ! Quels ennemis auraient d’assez bons yeux pour y voir au milieu des ténèbres épaisses qu’ils répandraient autour d’eux ?

Vous prenez peut-être ce que je dis pour de la plaisanterie ! Cela ne m’étonne qu’à demi. — Il y a, je le sais, même parmi les théologiens, des savants d’une science plus saine, à qui toutes ces arguties donnent la nausée. Ceux-là, je le sais encore, regardent comme sacrilèges et impies ces disputes irrévérencieuses sur des choses qu’on doit plutôt adorer que chercher à expliquer à l’aide des formules du paganisme, et ils sont d’avis que