Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/112

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fable absurde, tirée du Miroir des histoires ou des Gestes des Romains et l’explique au triple point de vue allégorique, tropologique et anagogique. Ainsi finit leur discours, monstre bizarre, dont n’approche pas celui que décrit Horace aux premiers vers de son Art poétique.

Ils ont pris je ne sais où que l’exorde doit être débité lentement et sans éclat. Que font nos gens ? Ils commencent de façon à ne pas s’entendre eux-mêmes, excellente méthode pour n’être compris de personne. On leur a dit que, pour remuer les passions, il fallait élever le ton ; pour obéir au précepte, au moment où on s’y attend le moins, ils passent tout à coup à des éclats furieux. Ce serait bien le cas de leur offrir un grain d’ellébore ; mais crier pour les arrêter, ce serait peine perdue ! Il est encore de tradition chez eux que l’orateur doit s’échauffer par degrés. Aussi, après avoir débuté cahin-caha, se prennent-ils sans transition à hurler, même à l’endroit le plus glacial ; par contre, ils finissent si bas qu’on croirait leur voir rendre l’âme.

La rhétorique leur a appris que la plaisanterie est un moyen oratoire ; ils s’ingénient donc à saupoudrer leurs discours de traits plaisants. Mais, par Vénus ! rien n’égale leur grâce et leur à-propos ; il semble voir des ânes jouer de la lyre ! — Quelquefois ces enfroqués essayent bien de mordre ; mais ils chatouillent plutôt qu’ils ne blessent, et ils ne flattent jamais mieux leur auditoire que lorsqu’ils affectent de lui dire librement la vérité.

En somme, à leur pantomime, à leur déclamation on jurerait qu’ils ont été à l’école des