Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/113

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bateleurs qui, il faut l’avouer, leur sont bien supérieurs. Au surplus, il y a tant de points de contact, qu’on hésite à décider si ce sont les moines qui ont enseigné la rhétorique aux pîtres, ou les pîtres aux moines. Malgré cela, grâce à moi, il y a encore des gens qui les regardent comme des Démosthènes et des Cicérons ; les marchands et les femmes surtout s’y laissent prendre. Aussi, est-ce à cette partie du public qu’ils cherchent avant tout à plaire ; avec un peu d’adresse, ils finissent toujours par pousser les premiers à leur lâcher quelques miettes de leurs biens mal acquis ; quant aux autres, elles ont mille raisons d’aimer les bons pères, ne fût-ce que pour épancher dans leur sein tout le mal qu’elles pensent de leurs maris.

J’en ai dit assez, il me semble, pour vous montrer de combien m’est redevable cette espèce d’hommes, qui, pour exercer, à l’aide de leurs momeries, leurs niaiseries et leurs clameurs, une sorte de tyrannie sur le monde, se prennent pour des Saint Paul et des Saint Antoine. Mais laissons ces histrions, ce sont des ingrats qui dissimulent aussi adroitement mes bienfaits, qu’ils simulent adroitement la piété.


Parlons maintenant des rois et des princes qui se montrent si ouvertement mes adeptes ; parlons-en librement, comme il convient de parler d’hommes libres.

Il est bien certain que s’ils avaient entre eux tous une demi-once de bon sens, rien ne serait plus triste et moins enviable que leur