Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/7

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quelle qu’elle fût, ne voulait opposer que la raison, se sépara tout à coup du réformateur. Il conservait au dogme ancien sa préférence, parce qu’il prévoyait que tôt ou tard cette ancienneté même amènerait par la force seule des choses l’avénement d’une ère philosophique. Le dogme nouveau l’effrayait au contraire, parce qu’en même temps que sa nouveauté reportait avec plus de vigueur les esprits dans la voie théologique, il venait ranimer, par son opposition et ses critiques, les défaillances du dogme qu’il combattait.

Ces préoccupations ressortent de chaque page d’Érasme pour le lecteur impartial, bien qu’il faille toujours creuser pour les découvrir. Érasme, en effet, a conservé toute sa vie de son éducation monacale un fonds de prudence extrême, qui a rendu flottante l’exposition de ses doctrines, et les a même parfois enveloppées d’une obscurité qu’une étude très-attentive vient seule à bout de percer. Sa conduite fut une oscillation perpétuelle entre les deux partis qui, à son époque, se disputaient les consciences. Par exemple, s’il déclinait les invitations que la papauté lui faisait de s’établir à Rome, pour rehausser de son talent le prestige affaibli du Saint-Siége, il n’en était pas moins lié d’amitié avec les principaux novateurs. Mais lorsqu’il put craindre que cet état de choses ne le compromît, il quitta Bâle et alla s’établir à Fribourg. Il vécut dans cette ville de 1529 à 1535 ; ces six années ne furent pas les moins fécondes de sa vie. Il revint cependant mourir à Bâle, sa patrie d’adoption, le 12 juillet 1536, beaucoup plus en philosophe qu’en théologien catholique.

L’œuvre d’Érasme est gigantesque et ne compte pas moins de douze in-folio. Mais il faut y distinguer deux