méditée pendant son voyage : l’Éloge de la Folie ; composition de l’école de Lucien, où il passe en revue toute la société de son temps, et en détaille les vices et les ridicules avec un bon sens exquis. Tant de hardiesse excite la bile des gens d’Église, des moines surtout, qu’il avait cloués vifs au pilori. Son livre fut condamné par la Sorbonne ; mais Rome ne le mit à l’index que beaucoup plus tard et avec quelque peine. Léon X, en le lisant dès son apparition, s’était contenté de dire en riant : « Notre Érasme aussi a son grain de folie. »
De Londres, Érasme revint à Paris en 1510, et retourna ensuite à Oxford enseigner le grec. De là il passa à Bruxelles où, par l’appui du chancelier Sauvage, il fut nommé conseiller du roi Ferdinand. Son amour d’indépendance fut même le seul obstacle à ce qu’il devînt le précepteur du prince Charles, plus tard Charles V. On peut le regretter ; il eût été curieux de voir ce qu’un tel maître eût fait d’un tel élève. François Ier voulut aussi attirer Érasme au collége de France ; mais celui-ci refusa pour aller se fixer à Bâle près de son ami l’imprimeur Froben.
Dès le début de la Réforme, Érasme s’en était montré partisan, à ce point que ceux qu’il avait si bien démasqués en vinrent à dire : « qu’il avait pondu l’œuf dont Luther et les autres schismatiques étaient sortis. » Imbu des philosophies de l’antiquité, il avait d’abord espéré que, du mouvement provoqué par Luther, les droits de la raison se dégageraient plus nettement. Des rapports s’établirent donc entre eux. Mais, lorsque Luther eut posé sa doctrine ; lorsqu’on put voir qu’à l’orthodoxie romaine il se bornait à opposer une autre orthodoxie dont il se faisait le gardien exclusif, Érasme qui, à l’orthodoxie