Page:Ésope - Fables - Émile Chambry.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et familiers. Son chien invita un autre chien. « Ami, lui dit-il, viens céans dîner avec moi. » L’invité arriva plein de joie, et s’arrêta à regarder le grand dîner, murmurant dans son cœur : « Oh ! quelle aubaine inattendue pour moi ! Je vais bâfrer et m’en donner tout mon soûl, de manière à n’avoir pas faim de tout demain. » Tandis qu’il parlait ainsi à part lui, tout en remuant la queue, comme un ami qui a confiance en son ami, le cuisinier le voyant tourner la queue de-ci, de-là, le prit par les pattes et le lança soudain par la fenêtre. Et le chien s’en retourna en poussant de grands cris. Il trouva sur sa route d’autres chiens ; l’un d’eux lui demanda : « Comment as-tu dîné, l’ami ? » Il lui répondit : « À force de boire je me suis enivré outre mesure, et je ne sais même pas par où je suis sorti. »

Cette fable montre qu’il ne faut pas se fier à ceux qui font les généreux avec le bien d’autrui.


179
LE CHIEN DE COMBAT ET LES CHIENS

Un chien, nourri dans une maison, était dressé à combattre les bêtes fauves. Un jour qu’il en vit beaucoup rangées en ligne, il brisa le collier de son cou et s’enfuit par les rues. D’autres chiens l’ayant vu, puissant comme un taureau, lui dirent : « Pourquoi te sauves-tu ? — Je sais bien, répondit-il, que je vis dans l’abondance et que j’ai toutes les satisfactions de l’estomac, mais je suis toujours près de la mort, en combattant les ours et les lions. » Alors les chiens se dirent entre eux : « Nous avons une belle vie, quoique pauvre, nous qui ne combattons ni les lions, ni les ours. »

Il ne faut pas, pour la bonne chère et la vaine gloire, attirer sur soi le danger, mais l’éviter au contraire.