Page:Ésope - Fables - Émile Chambry.djvu/252

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lois générales portant que, tout ce que chacun aurait pris à la chasse, il le mettrait en commun et le partagerait également entre tous : de la sorte on ne verrait plus les loups, réduits à la disette, se manger les uns les autres. Mais un âne s’avança, et secouant sa crinière, dit : « C’est une belle pensée que son cœur a inspirée au loup. Mais comment se fait-il que toi-même tu aies serré dans ton repaire ton butin d’hier ? Apporte-le à la communauté et partage-le. » Le loup confondu abolit ses lois.

Ceux qui semblent légiférer selon la justice ne s’en tiennent pas eux-mêmes aux lois qu’ils établissent et décrètent.


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LE LOUP ET LE BERGER


Un loup suivait un troupeau de moutons sans lui faire de mal. Le berger tout d’abord se gardait de lui comme d’un ennemi et le surveillait peureusement. Mais comme le loup le suivait toujours sans faire la moindre tentative d’enlèvement, il pensa dès lors qu’il avait là un gardien plutôt qu’un ennemi aux aguets ; et comme il avait besoin de se rendre à la ville, il laissa ses moutons près du loup et partit. Le loup, pensant tenir l’occasion, se jeta sur le troupeau et en mit en pièces la plus grande partie. Quand le berger revint et vit son troupeau perdu, il s’écria : « C’est bien fait pour moi ; pourquoi confiais-je des moutons à un loup ? »

Il en est de même chez les hommes : quand on confie un dépôt à des gens cupides, il est naturel qu’on le perde.


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LE LOUP RASSASIÉ ET LA BREBIS


Un loup gorgé de nourriture vit une brebis abattue sur le sol. Comprenant qu’elle s’était laissée tomber de frayeur, il s’approcha et la rassura, en lui promettant, si elle lui