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« Eh bien ! mon ami, ne trouves-tu pas juste qu’on m’honore d’une double ration ? »

Nous aussi, ce n’est point par le commencement, mais par la fin que nous devons juger de la condition de chacun.

273


L’ANE ET LE JARDINIER


Un âne était au service d’un jardinier. Comme il mangeait peu, tout en travaillant beaucoup, il pria Jupiter de le délivrer du jardinier et de le faire vendre à un autre maître. Zeus l’exauça et le fit vendre à un potier. Mais il fut de nouveau mécontent, parce qu’on le chargeait davantage et qu’on lui faisait porter l’argile et la poterie. Aussi demanda-t-il encore une fois à changer de maître, et il fut vendu à un corroyeur. Il tomba ainsi sur un maître pire que les autres. En voyant quel métier faisait ce maître, il dit en soupirant : « Hélas ! malheureux que je suis ! j’aurais mieux fait de rester chez mes premiers maîtres ; car celui-ci, à ce que je vois, tannera aussi ma peau. »

Cette fable montre que les serviteurs ne regrettent jamais tant leurs premiers maîtres que quand ils ont fait l’épreuve des suivants.

274


L’ÂNE, LE CORBEAU ET LE LOUP


Un âne, qui avait une plaie au dos, paissait dans une prairie. Un corbeau se posa sur lui et piqua sa plaie à coups de bec. L’âne sous l’impression de la douleur se mit à braire et à sauter. L’ânier, qui était à quelque distance, éclata de rire. Un loup qui passait le vit et se dit à lui-même : « Malheureux que nous sommes ! il suffit qu’on nous aperçoive, pour qu’on nous donne la chasse ; mais que ceux-ci osent s’approcher, on leur fait risette. »