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Palatini de Nevelet, Ma, a omis la morale des fables 51, 87, 141. Mais ce qui est plus grave, ce sont les erreurs auxquelles a donné lieu cette habitude des copistes. Dans le même manuscrit Palatin, les fables qui vont du n° 43 au n° 68 ont une morale qui ne s’accorde jamais avec le texte du récit, parce que le copiste s’est trompé d’un numéro et qu’il a joint à chacune de ces fables la morale de la précédente. Des méprises du même genre se rencontrent dans Ba et Bb, et il n’y a guère de manuscrits où quelque erreur semblable n’ait été commise ou copiée sur le manuscrit qui a servi de modèle. Il ne faut donc rien conclure de là contre l’existence de la moralité dans la fable primitive, ni contre l’authenticité ou l’antiquité des epimythia de nos collections. C’est la moralité qui distingue la fable du conte, et les premiers écrivains qui ont usé de la fable, Hésiode, Archiloque, Stésichore, s’en sont servis pour imprimer plus fortement une leçon dans l’esprit de leurs auditeurs. Et je m’imagine que, si Ésope fut regardé comme le père de la fable, c’est en partie pour avoir mis au premier rang l’utilité morale de ses récits. Aux yeux des Grecs la morale était si indispensable qu’ils en attachèrent une à tous les récits, à toutes les anecdotes, à tous les bons mots qui sous le nom d’Ésope s’annexèrent à la fable. Dès lors il n’est pas étonnant que certaines moralités, au lieu de sortir du fond même du récit, soient tirées de quelque détail plus ou moins significatif et qu’elles aient parfois un lien assez lâche avec la narration.


Valeur littéraire de la collection ésopique.

On a vu que dès le temps d’Aristophane la fable d’Ésope avait été très populaire en Grèce, et que les Athéniens avaient élevé une statue à ce prétendu père de la fable. Les modernes au contraire, surtout les Français, n’ont pour Ésope qu’une admiration tempérée. La Fontaine lui fait tort. Pour juger équitablement la fable grecque, il faut oublier un instant l’art exquis du fabuliste français, qui s’est trouvé, de surcroît, être un grand poète.

Ésope, ou, pour être plus exact, les Grecs – car nous n’avons rien d’Ésope, et c’est au peuple grec tout entier qu’il faut rapporter les fables dites ésopiques – les Grecs ont d’abord le mérite de l’invention. Tous ces petits contes amusants, qui sont autant de scènes de comédie, tous ces traits