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Page:Étude militaire, géographique, historique et politique sur l'Afghanistan.pdf/32

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impraticable aux troupes, et les Russes, après s’en être emparés, ont dû évacuer cette ville qui leur était utile comme base d’opération vers le sud. La main de l’homme contribuait, du reste, à maintenir l’Amou-Daria dans son nouveau lit, les Khivans ayant endigué toute la partie inférieure du fleuve qu’ils employaient à l’irrigation de leurs terres.

Telle était la situation, lorsque le 27 septembre 1878 on annonça tout à coup de Saint-Pétersbourg que l’Amou-Daria était rentré dans son lit primitif. Voici le texte de la dépêche par laquelle le général Lamakine, résidant à Kraznovodsk, rend compte de cet événement au grand-duc Michel, lieutenant général du Caucase, dont dépend administrativement le district militaire trans-caspianique :

« Des exprès arrivés de Khiva me communiquent que l’Amou-Daria, perçant sa grande digue à la hauteur du fort de Bend et se déversant par les canaux de Landan-Khan-Yab et Kochbeg, a poussé par l’Ousboï (nom de l’ancien lit) jusqu’aux lacs de Sary-Kamich, remplissant ces lacs ainsi que les marais salants voisins de Kalkh-Poullar. Les digues de Chakbend et de Salikbend sont rompues, le flot continue à se mouvoir sans obstacle dans l’Oubstoï. Grâce à cette circonstance, une étendue de 200 verstes jusqu’à présent sablonneuse se trouve arrosée sans aucun dommage pour l’oasis de Khiva. »

Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il faut remarquer qu’il s’est produit cette fois avec une force extraordinaire et dans un moment où la politique russe semblait tendre tous ses efforts du côté de l’Asie.

Les Khivans ont toujours fait de grands efforts pour rétablir leurs digues quand elles se rompaient ; ils y trouvaient, en effet, non-seulement un secours précieux pour leur agriculture, mais aussi un moyen d’être séparés de voisins parfois incommodes ; l’ambition constante des Russes a été, au contraire, de faire rentrer l’Amou-Daria dans son ancien lit, ce qui leur donnerait une excellente route militaire et commerciale pour relier leurs possessions de l’Asie centrale au reste de l’empire.

Aujourd’hui la voie à suivre paraît déjà toute tracée à la Gazette de Moscou[1]. Il ne faut pas que les Khivans réédifient leurs digues, et il faut que la Russie perce le seuil de 50 verstes qui arrête encore l’Amou-Daria dans sa route vers la mer Caspienne lorsque les eaux n’atteignent pas leur plein. « Une expédition scientifique envoyée sans délai aux lacs de Sary-Kamich peut, dit-elle, résoudre sans

  1. Article rapporté par le journal le Temps, du 27 octobre 1878.