Page:Œuvres complètes, Impr. nat., Actes et Paroles, tome III.djvu/46

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Qu’est-ce que nous vous avons fait ?

Cette guerre, est-ce qu’elle vient de nous ? c’est l’empire qui l’a voulue, c’est l’empire qui l’a faite. Il est mort. C’est bien.

Nous n’avons rien de commun avec ce cadavre.

Il est le passé, nous sommes l’avenir.

Il est la haine, nous sommes la sympathie.

Il est la trahison, nous sommes la loyauté.

Il est Capoue et Gomorrhe, nous sommes la France.

Nous sommes la République française ; nous avons pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité ; nous écrivons sur notre drapeau : États-Unis d’Europe. Nous sommes le même peuple que vous. Nous avons eu Vercingétorix comme vous avez eu Arminius. Le même rayon fraternel, trait d’union sublime, traverse le cœur allemand et l’âme française.

Cela est si vrai que nous vous disons ceci :

Si par malheur votre erreur fatale vous poussait aux suprêmes violences, si vous veniez nous attaquer dans cette ville auguste confiée en quelque sorte par l’Europe à la France, si vous donniez l’assaut à Paris, nous nous défendrons jusqu’à la dernière extrémité, nous lutterons de toutes nos forces contre vous ; mais, nous vous le déclarons, nous continuerons d’être vos frères ; et vos blessés, savez-vous où nous les mettrons ? dans le palais de la nation. Nous assignons d’avance pour hôpital aux blessés prussiens les Tuileries. Là sera l’ambulance de vos braves soldats prisonniers. C’est là que nos femmes iront les soigner et les secourir. Vos blessés seront nos hôtes, nous les traiterons royalement, et Paris les recevra dans son Louvre.

C’est avec cette fraternité dans le cœur que nous accepterons votre guerre.

Mais cette guerre, allemands, quel sens a-t-elle ? Elle est finie, puisque l’empire est fini. Vous avez tué votre ennemi qui était le nôtre. Que voulez-vous de plus ?

Vous venez prendre Paris de force ! Mais nous vous l’avons toujours offert avec amour. Ne faites pas fermer les portes par un peuple qui de tout temps vous a tendu les bras. N’ayez pas d’illusions sur Paris. Paris vous aime ; mais Paris vous combattra. Paris vous combattra avec toute la majesté formidable de sa gloire et de son deuil. Paris, menacé de ce viol brutal, peut devenir effrayant.

Jules Favre vous l’a dit éloquemment, et tous nous vous le répétons, attendez-vous à une résistance indignée.

Vous prendrez la forteresse, vous trouverez l’enceinte ; vous prendrez l’enceinte, vous trouverez la barricade ; vous prendrez la barricade, et peut-être alors, qui sait ce que peut conseiller le patriotisme en détresse. ? vous trouverez l’égout miné faisant sauter des rues entières. Vous aurez à accepter