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obscurités pour des mystères, vu que ses clartés sont ridicules. Il n’en est pas de même de l’Écriture. Je veux qu’il y ait des obscurités qui soient aussi bizarres que celles de Mahomet ; mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n’est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l’obscurité, et non pas par la clarté, qui mérite qu’on révère les obscurités.

Contre Mahomet. — L’Alcoran n’est pas plus de Mahomet, que l’Évangile, de saint Matthieu[1], car il est cité de plusieurs auteurs de siècle en en siècle. Les ennemis mêmes, Celse et Porphyre, ne l’ont jamais désavoué.

L’Alcoran dit que saint Matthieu étoit homme de bien. Donc, Mahomet étoit faux prophète, ou en appelant gens de bien des méchans, ou en ne demeurant pas d’accord de ce qu’ils ont dit de Jésus-Christ.


10.

Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet ; car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit. Nul homme ne peut faire ce qu’a fait Jésus-Christ.

Différence entre Jésus-Christ et Mahomet. — Mahomet, non prédit ; Jésus-Christ, prédit. Mahomet, en tuant ; Jésus-Christ, en faisant tuer les siens. Mahomet, en défendant de lire ; les apôtres, en ordonnant de lire. Enfin, cela est si contraire, que, si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, Jésus-Christ a pris celle de périr humainement. Et qu’au lieu de conclure que, puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ a bien pu réussir, il faut dire que, puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ devoit périr.




ARTICLE XX.[2]


1.

Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut à ceux qui le chercheroient. Mais les hommes s’en rendent si indignes, qu’il est juste que Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur endurcissement, ce qu’il accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due. S’il eût voulu surmonter l’obstination des plus endurcis, il l’eût pu, en se découvrant si manifestement à eux, qu’ils n’eussent pu douter de la vérité de son essence ; comme il paroîtra au dernier jour, avec un tel éclat de foudre et un tel renversement de la nature, que les morts ressusciteront, et les plus aveugles le verront.

Ce n’est pas en cette sorte qu’il a voulu paroître dans son avènement de douceur ; parce que tant d’hommes se rendant indignes de sa clémence, il a voulu les laisser dans la privation du bien qu’ils ne veulent pas. Il n’étoit donc pas juste qu’il parût d’une manière manifestement divine, et absolument capable de convaincre tous les hommes ; mais il

  1. C’est-à-dire : « Il est également vrai que le Coran est de Mahomet, et que l’évangile de saint Matthieu est de saint Matthieu. »
  2. Article XIII de la seconde partie, dans Bossut.