plein et dernier pouvoir auquel il ne manque rien de la part de Dieu pour agir, est présent ou non aux justes, selon qu’il plaît à Dieu, qui ne le doit à personne, de le donner ou de le refuser, conformément aux lois impénétrables de sa sagesse : il paroîtra sans doute étrange qu’on voie ici traiter cette question particulière du sens d’un seul passage détaché que, « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » qui est si manifeste de lui-même, puisqu’il signifie simplement qu’il n’est pas impossible que les justes accomplissent les préceptes, comme le prétendoient les luthériens, en soutenant que jamais, même avec la grâce, le juste ne pouvoit accomplir les commandemens. Mais ce qui oblige à un nouvel éclaircissement, est la résistance que font à la vérité ceux qui sont prévenus de cette fausse doctrine, que Dieu donne toujours aux justes le secours nécessaire, et auquel il ne manque rien de sa part pour accomplir les préceptes ; doctrine qu’ils veulent faire passer pour être celle du concile, sur ce seul fondement, que le concile dit que les commandemens ne sont pas impossibles aux justes.
Pour renverser cet unique appui de leur sentiment, il faut déclarer nettement l’état de la question, et les moyens qui seront employés à la résoudre.
« Les commandemens ne sont pas impossibles aux justes : » cette proposition est susceptible de deux sens. Le premier, qu’il n’est pas impossible que les justes accomplissent les commandemens ; le second, que les commandemens sont toujours possibles à tous les justes, de ce plein et dernier pouvoir auquel il ne manque rien de la part de Dieu, pour agir.
Les moyens que nous emploierons pour reconnoître lequel de ces deux sens est le véritable, seront ceux-ci. Le premier sera d’examiner par les termes de la proposition, quel est le sens qu’elle exprime, et que l’on en forme naturellement ; le second, d’examiner par l’objet qu’ont eu les Pères et le concile en faisant cette décision, lequel de ces deux sens ils ont eu ; et le troisième sera d’examiner par la suite du discours, et par les autres passages des Pères et du concile qui l’expliquent, lequel est le véritable.
J’espère que, si l’on voit ici que les termes de cette proposition n’expriment et ne forment que le premier sens seulement : que l’objet des Pères et du concile n’a été que d’établir ce seul premier sens ; que la suite de leur discours, et une infinité d’autres passages, s’expliquent en ce même sens ; que les preuves qu’ils en donnent, ne concluent que pour ce seul sens ; que la conclusion qu’ils tirent de leurs preuves, n’enferme que ce seul sens en d’autres termes très-univoques ; qu’ils n’ont jamais établi formellement le second sens en aucuns lieux de leurs ouvrages ; et qu’ils ont non-seulement établi formellement le premier sens, mais ruiné formellement le second sens ; je doute qu’après tant de preuves, on puisse nier qu’ils n’aient eu en vue que le premier sens seulement.