Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol2.djvu/95

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Premier moyen. — Examiner le sens par les simples termes


Il n’est pas nécessaire d’employer un long discours pour montrer que les termes de cette proposition, que « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » n’enferment simplement que ce sens, «  qu’il n’est pas impossible que les justes observent les commandemens ; » et qu’elles n’ont point celui-ci, a que tous les justes ont toujours le plein et entier pouvoir auquel il ne manque rien de la part de Dieu, pour accomplir les préceptes. »

La simple intelligence de la langue le témoigne, et il n’y a point de règles de grammaire, par lesquelles on puisse prétendre que dire « qu’une chose n’est pas impossible, » soit dire, « qu’elle est toujours possible du plein et dernier pouvoir, » puisqu’il suffit qu’elle soit possible quelquefois, pour faire voir qu’elle ne soit pas impossible, sans qu’il soit nécessaire qu’elle le soit toujours.

Et s’il est besoin d’éclaircir une chose si claire par des exemples, n’est-il pas véritable qu’il n’est pas impossible aux hommes de faire la guerre ? Et cependant il n’est pas toujours au pouvoir de tous les hommes de la faire. Il n’est pas impossible qu’un prince du sang soit roi ; et cependant il n’est pas toujours au plein pouvoir des princes du sang de l’être. Il n’est pas impossible aux hommes de vivre soixante ans ; et cependant il n’est pas au plein pouvoir de tous les hommes d’arriver à cet âge, ni de s’assurer seulement d’un instant de vie. Enfin, pour demeurer dans les termes de notre sujet, les commandemens ne sont pas impossibles aux hommes ; et cependant ce seroit une erreur pélagienne, de dire que tous les hommes, et ceux même qui ont comblé la mesure de leurs crimes, aient toujours le plein et dernier pouvoir de les accomplir.

On voit assez par là comment il est vrai que les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, sans qu’il soit nécessaire que tous les justes aient toujours le plein pouvoir de les accomplir.

Que ceux qui entendent cette décision de la sorte pensent à l’importance du mot toujours, que leur interprétation suppose. Je souhaite que ceux qui ne craignent pas de rapporter ce passage en y joignant le terme de toujours, se souviennent de la malédiction qui menace ceux qui ajoutent aux paroles du Saint-Esprit ; et que ceux qui, rapportant plus fidèlement le même passage, ne laissent pas d’y en ajouter le sens, aient dans la pensée que Dieu ne punit pas seulement ceux qui font ces choses, mais aussi ceux qui y donnent leur consentement.


Second moyen. — Examiner le sens par l’objet.


Si l’on montre que les Pères et le concile, ayant à réfuter cette erreur, que les commandemens sont impossibles aux hommes, en ce sens que cette impossibilité soit absolue et invincible, y ont simplement opposé ces paroles : « Les commandemens ne sont point impossibles aux hommes ; » il sera vrai sans doute qu’on ne pourra prétendre qu’ils aient par là fait