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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/17

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— Nous disions du mal de toi, mon cher ! lui avait-il crié en l’abordant.

C’était encore une de ses malices, il disait la vérité, mais en riant, de manière à la rendre douteuse. Cette ruse ne devrait être permise qu’aux femmes ; car leur gaieté est presque toujours de l’embarras, et les ruses de l’émotion ne sont-elles pas toutes pardonnables ?

M. Narvaux était, selon l’expression d’un vieux philosophe de mes amis, un homme de la troisième finesse : « La première finesse, disait-il, consiste à cacher ses projets ; la seconde à en feindre d’imaginaires pour dissimuler ceux qu’on a, et la troisième, enfin, c’est de les dire tout haut et en plaisantant, comme s’ils ne pouvaient entrer dans la pensée. » Cette remarque m’a toujours poursuivie depuis ce temps ; il m’arrive quelquefois, malgré moi, de classer mes amis dans une de ces trois catégories, et j’avoue que j’en ai rangé bien peu dans la première. Il y a tant d’activité en France, dans les esprits, que le mystère même y veut agir ; peu de gens se bornent à cacher simplement leur ambition et leur pensée, il leur en coûte moins de les démentir, ou, ce qui est bien pis, d’en affecter de contraires.


III.

Edgar, qui commençait à comprendre le danger de son fatal lorgnon, n’osait en faire l’épreuve sur son meilleur ami. Il était si heureux de revoir M. de Fontvenel, si touché de sa cordiale amitié, et il aurait tant souffert s’il avait fallu douter d’elle ! Hélas ! cette prudente précaution était déjà de la défiance. Une illusion que l’on ménage est comme une fortune qui se dérange : le jour où le mot économie a retenti dans un cœur confiant, il est à moitié ruiné.

Edgar avait perdu cette fleur de bonhomie, cette virginité de l’erreur qui rendait sa jeunesse si brillante et son caractère si aimable. Adieu, douce et confiante amitié, mille fois plus dangereuse que l’amour en tes égarements ! lui du moins sait qu’il est aveugle, il se défie et prend un guide ; mais toi, Quinze-Vingt sans le savoir, tu marches fièrement où tu crois qu’on