faire l’honneur de venir dîner chez elle aujourd’hui, ce 11 mai, à six heures.
L’écriture était contrefaite : c’était M. Bélin lui-même qui avait dicté le billet et qui avait exigé que l’on mît madame Clémentine ; c’était son style à lui.
— Qui est-ce qui vous a remis ce billet ?
— C’est la femme de chambre de madame, répondit le domestique… Madame est arrivée hier soir avec monsieur son père.
— Ah !…
On entendit marcher dans l’antichambre.
— Vous ne nous attendiez pas, mon gendre, cria M. Bélin en entrant tout à coup sans être annoncé… cela vous surprend ; nous voilà tous de retour… nous ne pouvions plus y tenir ; ma fille était inquiète, et moi je m’ennuyais. Mais qu’est-ce que vous avez donc, vous ?
— Je suis un peu malade, j’ai la fièvre… Ce n’est rien ; je me lève à l’instant et je vais chez vous.
— Non pas, mon cher ; vous êtes malade, il faut vous soigner. Clémentine va venir…
— Mais je vais à merveille, reprit vivement Lionel ; je n’ai qu’un peu de fatigue ; j’ai couru pour affaire tous ces jours-ci… J’irai dîner avec vous : ce n’est rien.
— Eh bien, mon cher, croyez-moi, gardez le lit ce matin ; je viendrai à six heures vous chercher dans une bonne voiture ; vous n’aurez pas froid, et un bon dîner vous guérira tout à fait. Aussi bien, ma fille ne sera pas fâchée d’être seule chez elle ce matin. Elle a bien des choses encore à faire arranger dans sa nouvelle maison.
— Comment ! ce n’est pas chez vous ?…
— Non ; c’est une surprise que je voulais vous faire, mais le mot est lâché ! Nous vous recevrons chez vous, mon gendre, et j’espère que vous vous y trouverez bien.
Lionel bégaya quelques phrases de remercîment, puis il ajouta, en essayant de sourire :
— Puis-je savoir au moins où demeure ma femme ?