éprouvait madame de Clairange. Il la soupçonna d’avoir trop parlé en sa faveur ; et il connaissait déjà assez Valentine pour savoir qu’un éloge de sa belle-mère devait le perdre dans son esprit.
Madame de Champléry ne lui apparut pas ce soir-là à son avantage ; elle lui sembla moins belle que le jour où il l’avait aperçue pour la première fois ; ses manières étaient sans grâce, sa voix avait quelque chose de dur qui déplaisait ; la noble régularité de ses traits, n’étant adoucie par aucune expression de gaieté ou de mélancolie, donnait à son visage un air de sévérité qui manquait de charme ; et M. de Lorville, la voyant ainsi, se demandait comment madame de Clairange avait jamais pu être entraînée à nommer sa petite rieuse une personne si grave et si imposante.
Tandis qu’il causait avec madame de Clairange, M. de Fontvenel dit à Valentine :
— Ne vois-je pas en face de nous votre merveilleux cousin, Adolphe de Champléry ?
— Oui, c’est lui, reprit Valentine, il est sans doute ici avec sa belle prétendue, mademoiselle d’Armilly.
À ce nom, Edgar tressaillit ; ce nom lui rappelait sa première épreuve et son premier désenchantement.
— Elle va se marier ? demanda-t-il avec curiosité.
— Oui, répondit Valentine, elle doit épouser mon cousin, M. de Champléry.
— On prétend qu’elle l’aime à la folie, dit alors M. Narvaux, il n’est pourtant guère séduisant. C’est une vérité cruelle à s’avouer, continua-t-il, les ennuyeux plaisent aux jolies femmes.
— Pas tous, reprit Edgar avec insolence ; mais il est certain qu’elles prennent souvent l’obsession pour l’assiduité ; d’ailleurs l’ennui est un magnétisme qui ôte la raison, engourdit la volonté : c’est le philtre des importuns.
En ce moment, madame de Champléry s’étant avancée pour regarder quelqu’un dans la salle :
— Qui saluez-vous, ma chère ? dit sa belle-mère.
— Madame d’Armilly et sa nièce, répondit Valentine.
— Où est-elle ? demanda vivement Stéphanie ; on la dit si belle ! je voudrais bien la voir.