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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/65

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» Je ne saurais vous peindre quel fut mon étonnement en voyant toutes les prévisions de M. de Lorville se réaliser de la sorte. Je fis toutes les suppositions imaginables pour expliquer tout ce qu’il y avait d’extraordinaire dans cette aventure, et je finis par me dire que cela était peut-être plus naturel que je ne le supposais, et que la petite étant fort jolie… »

À ces mots on annonça M. de Lorville ; chacun sourit et se regarda en silence ; mais, comme le vieux général venait aussi d’arriver, après quelques mots de politesse, on passa dans la salle à manger et l’on se mit à table.


XIII.

Edgar était placé en face de madame de Champléry, et quoiqu’il n’eût plus grand plaisir à l’observer, il fut frappé de l’éclat de son teint. Il n’avait encore vu Valentine que le soir. « Les femmes si fraîches, se dit-il avec dédain, ayant en général peu de physionomie, ne sont vraiment jolies que le matin. À la lumière, la moindre figure piquante leur est cent fois préférable. » Edgar remarqua aussi que Valentine avait les mains blanches et bien faites, mais les bras rouges ; et cette beauté des jeunes filles ne lui plut pas dans une femme.

Depuis deux jours, son talisman ne le quittait plus : il avait été trop puni de s’en être séparé pendant quelques jours ; mais il n’osait en faire usage, que rarement.

Pendant le dîner, le jeune officier, placé à quelque distance de M. de Lorville, lui rappela le pari qu’il avait gagné, en ajoutant qu’il était prêt à lui remettre ses dix louis.

— Gardez-les, reprit Edgar, je ne puis les prendre, ce serait les voler ; je pariais à coup sûr.

— Ah ! je le disais bien, vous la connaissiez.

— Non… pas elle… dit Edgar, un peu déconcerté de cette interprétation qu’il n’avait pas prévue.

— Alors, c’est donc madame Charlier.

— Justement, répondit M. de Lorville en riant, c’est une de mes meilleures amies.