cette voix si douce qui jusqu’alors n’avait jamais menti ! Admirez avec quel aplomb la perfide médit de ceux-là même qu’elle préfère ; avec quelle franchise elle tend la main à la jeune femme dont elle captive le mari ; avez-vous vu le regard qu’elle a jeté à l’heureux Ernest en répondant à Jules : « Non, ce soir je ne serai pas chez moi ! » manière ingénieuse de dire à Ernest : « J’y serai. » Savez-vous pourquoi elle a loué à Paris l’hôtel de ***, c’est pour demeurer en face de madame C…, qui est jalouse d’elle et qu’elle fait mourir de chagrin. M. de Lusigny est enchanté de tous ces manèges. Il appelle cela de l’esprit, il est tout fier d’avoir métamorphosé l’innocente pâquerette en jusquiame, et la pudique Virginie en Célimène.
Quoi ! direz-vous, cet homme-là existe ? Mais c’est un monstre affreux ! un don Juan ! un Méphistophélès ! — Rassurez-vous, ce n’est ni un don Juan, ni un Méphistophélès, ni un monstre affreux : c’est tout simplement un légitimiste qui s’ennuie et qui s’est fait séducteur, parce qu’il avait bien trop d’esprit pour se faire conspirateur.
Maintenant que vous le connaissez, peut-être vous intéresserez-vous à sa dernière aventure arrivée il y a deux mois. Nous étions ensemble chez madame la duchesse de ***. Il y avait chez elle ce soir-là presque tous les hommes aimables qui composent sa société habituelle : M. Berryer, M. de Salvandy, M. de Pastoret, M. Eugène Sue, M. Sainte-Beuve, le prince G…, lord L…, le marquis de L… B… et le comte Alfred de M… Les conversations étaient fort animées, et M. de Lusigny, pour sa part, était occupé à médire fort gaiement lorsqu’on annonça madame…
III.
On annonça madame la comtesse Albert de Viremont et madame la comtesse Charles de Viremont. Les deux belles-sœurs se faisaient appeler ainsi. C’est la mode aujourd’hui. Les titres ne sont plus partagés, comme autrefois, par