— Vous répondre ? répéta la servante en éclatant de rire. Est-elle folle donc, la petite ! Elle croit que les chiens parlent… Ah ! c’te bêtise !
Noémi, voyant qu’on se moquait d’elle, s’éloigna fort mécontente. Elle voulait rentrer dans la maison, mais le spectacle qui s’offrit à ses regards la fit reculer d’effroi.
CHAPITRE TROISIÈME.
LES OGRES.
Elle aperçut, à travers les fenêtres de la salle à manger, de grands êtres épouvantables dont elle n’avait jamais eu l’idée. Ils étaient d’une stature gigantesque ; leur tête et leur poitrine étaient couvertes de cuivre, et une longue et noire crinière flottait sur leurs larges épaules.
Noémi toute tremblante alla se cacher sous l’escalier, derrière la fontaine ; de là elle pouvait entendre parfaitement tout ce qu’ils disaient. Leur grosse voix était si terrible, que Noémi frissonnait à chacune de leurs paroles. Malgré son effroi, elle conservait de la présence d’esprit, et repassait dans sa mémoire si elle n’avait pas trouvé dans ses livres la description de quelque monstre qui ressemblât à ceux qu’elle avait en ce moment devant les yeux. Un mot que dit l’aubergiste en passant devant elle l’éclaira subitement. — En vérité, s’écria-t-il de mauvaise humeur, je ne sais avec quoi je vais rassasier fous ces ogres-là.
Noémi tressaillit. — Ce sont des ogres, pensa-t-elle ; ô ciel ! que vais-je devenir ?
Vous n’auriez point dit cela, mes chers neveux ; vous auriez dit : — Voilà de bien beaux cuirassiers, et vous auriez eu raison ; car c’était, en effet, de fort beaux cuirassiers.
L’un d’eux sortit de la salle à manger, et comme l’odeur de la cuisine se faisait sentir : — Oh ! s’écria-t-il, ça sent la chair fraîche !
Noémi, à ces mots, se rappelant l’ogre du Petit Poucet, se cacha encore plus loin derrière la fontaine, et ne douta pas que l’ogre ne s’empressât de la chercher.