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NOÉMI, OU L’ENFANT CRÉDULE.

Leurs pieds s’enfonçaient dans le sable humide ; l’eau commençait à alourdir leurs vêtements, et déjà ils ne pouvaient plus courir facilement. Épuisée de fatigue, Noémi fit un faux pas et tomba ; le petit paysan, qui courait plus vite qu’elle, et qui l’avait déjà de beaucoup devancée, la voyant ainsi, revint auprès d’elle pour l’aider à se relever ; et puis, au lieu de courir en avant, il ralentit son pas pour la soutenir. Il ne voulut point l’abandonner dans ce péril, et se sauver, comme il aurait pu encore le faire.

Bientôt tous leurs efforts devinrent inutiles : les flots s’avançaient avec vitesse ; ce n’était plus dans le sable qu’il fallait marcher, c’était dans l’eau ; et les vagues étaient si fortes, qu’il n’y avait plus moyen de lutter contre elles.

Les enfants criaient : — Au secours ! au secours ! — mais personne ne leur répondait. Enfin un vieux matelot les aperçut, et quoiqu’il y eût du danger pour lui, il résolut de les sauver. Il courut à eux, sautant d’un rocher à l’autre comme un jeune homme. Il arriva près de Noémi au moment où, renversée par les vagues, elle s’était évanouie. Il la sauva la première, parce qu’il se rappela que son père lui avait rendu service en plusieurs occasions.

Dès qu’il l’eut déposée sur le rivage, il retourna chercher le petit paysan ; mais, hélas ! il était trop tard : les flots l’avaient englouti… le pauvre enfant avait succombé.

Noémi fut si malheureuse d’avoir causé la mort de ce généreux enfant qui s’était dévoué pour elle, qu’elle tomba malade de chagrin et fut en danger pendant plusieurs mois : — Si je l’avais écouté, disait-elle, il vivrait encore ! pourquoi n’ai-je pas suivi ses conseils ?

Et chaque fois que la mère de ce pauvre enfant venait au château, Noémi courait se cacher, car la douleur de cette malheureuse mère était pour elle un remords ; elle ne pouvait soutenir ses regards baignés de larmes, qui semblaient lui dire :

— Qu’avez-vous fait de mon fils ?

Ce conte nous apprend, mes chers neveux, qu’il faut savoir non-seulement lire, mais bien lire, c’est-à-dire bien comprendre ce qu’on lit. Il nous apprend aussi que nous pouvons croire aveuglément ce que nous disent nos parents et nos insti-