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L’ÎLE DES MARMITONS.

teur, un des hommes les plus riches et les plus considérés du pays, il n’y voulut rien comprendre, et l’on fut forcé de le mettre en prison.


CHAPITRE QUATRIÈME.

LE BONNET DE COTON.


Cesaro venait de terminer sa bizarre toilette, lorsqu’il entendit un grand bruit de tambours, de trompettes, de fanfares, qui le fit tressaillir de plaisir ; il s’élança dans la rue, et arriva bientôt sur les remparts de la ville, où toutes les troupes étaient rassemblées pour la revue. Ce fut alors qu’il vit une fourmilière de marmitons s’agiter dans toutes les rues, les uns à pied, les autres à cheval, d’autres aussi montés sur des canons : c’était un spectacle admirable.

Les musiciens s’avançaient, frappant avec des cuillers d’argent sur de belles casseroles bien brillantes ; c’était une harmonie délicieuse : les tambours-majors élevaient en l’air un superbe tournebroche tout en or, qui valait bien la grosse canne des tambours-majors européens, et qu’ils faisaient tourner sur leur tête avec beaucoup de grâce. Les marmitons d’élite, montés sur de magnifiques chevaux, attiraient d’abord tous les regards : nos carabiniers seraient de petits marmitons à côté de ces marmitons-là, et je vous assure qu’en les voyant si bien armés, si fiers, si terribles, il ne venait à personne l’idée de leur demander des petits pâtés.

La reine Marmite, placée sur une estrade, et entourée de ses marmitons d’honneur, saluait son peuple avec bienveillance, et paraissait fort satisfaite de la belle tenue de ses troupes.

Cesaro regardait tout cela sans trop s’étonner ; il savait bien que tous les peuples diffèrent dans leurs usages, et, d’ailleurs, il se rappelait avoir entendu raconter que, dans un pays pas très-éloigné du sien, tous les habitants étaient contraints, à certains jours, de se vêtir en militaires, quels que fussent leur goût, leur profession ; que ces jours-là, chaque