Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
LE VICOMTE DE LAUNAY.

Cette conversation nous a prouvé que les infirmités, les accidents, les souffrances, étaient favorables à la littérature, excepté les coups de soleil.


LETTRE VINGT-TROISIÈME.

Les fêtes de famille et les prix de collége. — L’ermite de Tivoli. —
Les modes du Constitutionnel.
19 août 1837.

La semaine s’est passée en fêtes de famille. Nous ne croyons pas exagérer en disant qu’il s’est distribué plus de vingt mille bouquets à Paris, le jour de l’Assomption. Que de myrtes nous avons vu porter religieusement, enveloppés de leur papier blanc ! Où allaient-ils ? chez une mère, chez une tante, chez une sœur, chez une cousine ! Qui n’a pas une Marie à fêter dans ses parentes, ou dans ses amies ! Il faut être orphelin, veuf, abandonné de la terre et du ciel pour n’avoir pas un bouquet à envoyer le jour de l’Assomption à quelque femme. À Paris, toutes les femmes s’appellent Marie, jeunes ou vieilles ; toutes les petites filles s’appellent Marie : ce nom charmant, qu’on devrait peut-être ne pas oser porter, est chez nous non-seulement une religion, c’est une prétention, et c’est pourquoi il est devenu si commun. Autrefois, la mode était de donner à ses enfants des noms de roman, des noms extraordinaires ; on les appelait Coralie, Paméla, Palmyre, Clarisse, Zénobie, Clara, Clorinde, Aglaure, Aglaé, Amanda, Malvina ; on cherchait un nom qui ne fût pas celui de tout le monde ; on voulait surtout que le nom d’une jeune personne ne fût pas celui de sa femme de chambre. Mais, aujourd’hui, cette mode a passé, nous ne la regrettons pas ; cependant, nous attaquons l’exagération contraire ; et cette grande prétention à la simplicité, qui entraîne toutes les mères à donner le même nom à leur fille, nous semble avoir aussi son côté ridicule ; cet hiver, dans un bal d’enfants, nous avons compté vingt-deux Marie : on n’entendait que ce cri : « Marie, Marie, viens ici ! Marie, Marie ! » et chaque fois vingt-deux petites filles d’accourir ! L’abus des meilleures choses a un côté si déplaisant, que nous avions fini par prendre en horreur ce nom si