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LETTRES PARISIENNES (1838).

Nous venons de parler musique et sculpture, nous allons parler danse maintenant. Savez-vous quelle rare beauté M. le directeur de l’Opéra est allé demander à l’Italie ? savez-vous qu’il ne s’agit rien moins que d’enlever à Milan son plus précieux trésor : la perle de la Scala, la nymphe Cerrito, cette vivante fresque d’Herculanum qui ne touche jamais la terre, cette gazelle-papillon, cet oiseau-mouche : nous la verrons venir à Paris avec le printemps ; rien, dit-on, n’est comparable à sa danse gracieuse ; c’est une légèreté, une rapidité, une originalité dont rien ne peut donner idée. C’est une flèche qui passe, c’est une étoile qui file, c’est une feuille qui tombe et que le vent capricieux fait voltiger dans l’air avec lui ; les danseuses les plus vantées sont des chevaux de grosse cavalerie en comparaison de la folâtre Cerrito. Ses pas sont d’une difficulté fabuleuse, dangereuse même parfois. Elle accourt du fond du théâtre avec une vivacité effrayante : l’élan est tel, qu’il semble impossible à modérer. Eh bien, malgré la force de cette impulsion invincible, la danseuse, arrivée sur le devant de la scène, tout à coup s’arrête et reste immobile sur la pointe du pied ! On dirait Atalante au milieu de sa course subitement changée en statue. Mademoiselle Cerrito est jolie, elle a dix-neuf ans ; notez ces deux points-ci. Elle arrive ! quelle nouvelle pour les amateurs de ballets !

De la danse à la chasse, la transition est naturelle. L’équipage de M. le prince de W… est parti la semaine dernière pour G… B…, cette royale résidence qui devient de jour en jour plus magnifique, pour rejoindre à Courtgenet l’équipage de M. le marquis de M… — Messieurs les veneurs, fidèles au cri de Rallie Bourgogne ! se sont réunis aux veneurs de G… B…, Les deux meutes, peut-être les meilleures de France, ont rivalisé d’ardeur. Deux sangliers, dont un dans son tiers-ans, ont été pris. On annonce pour le mois prochain plusieurs chasses à Ermenonville.

L’ouverture du Salon est impatiemment attendue par les amateurs. Serait-il vrai que le jury ait eu la candeur de refuser trois tableaux d’un de nos plus grands peintres ? Cette injustice rendra bien sévère pour les tableaux que l’on a admis : portraits en pied de séducteurs en lunettes, penseurs en robe