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LETTRES PARISIENNES (1836).

l’on ne se pare point entre parents. Avant de se rendre chez sa tante qui demeurait rue du Faubourg-Saint-Honoré, l’homme aimable alla voir la duchesse de ***. Là il apprend que le dîner de sa tante, loin d’être une réunion de famille ordinaire, est un grand dîner presque diplomatique suivi d’un superbe concert ; la tante, qui croyait voir son neveu chaque jour, avait oublié de le prévenir. Ah ! mon Dieu, s’écrie en lui-même l’élégant, et mes bottes ! — Il abrège sa visite et reprend le chemin de sa demeure ; mais il est inquiet, il est à pied aussi, car ses chevaux l’ont promené toute la matinée au bois de Boulogne, il a donné congé pour toute la soirée à son cocher, à son valet de chambre aussi !… Ô terreur ! point de clef ! le valet de chambre sera sorti, toutes les portes seront fermées. Il se hâte, il arrive, il respire… Toutes les portes sont ouvertes… Ah !… mais toutes les armoires le sont aussi, elles sont vides qui plus est ; il regarde, il s’élance dans le salon : sur la table il aperçoit un gros paquet assez mal fait et dans lequel il reconnaît déjà son gilet favori. C’est celui que je vais mettre, pense-t-il. Puis il entre brusquement dans sa chambre, à coucher. Ô fureur ! un homme est occupé à forcer son secrétaire… Infâme voleur ! Le jeune homme n’hésite pas, il se précipite sur le malfaiteur, le saisit à la gorge et s’apprête à l’étrangler ; mais le voleur aussitôt… que fait-il ?… Devinez. — Il s’arme d’un poignard et le plonge dans le cœur de son adversaire ? — Non. — Il le terrasse et prend la fuite ? — Non. — Mais que fait-il donc ? — Il tombe évanoui dans les bras de sa victime, qui se voit forcée de lui prodiguer les plus tendres soins. La victime porte le malfaiteur sur un canapé, et cherche des sels pour le faire revenir à lui ; mais la victime ne trouve plus son flacon, flacon d’or des plus précieux. Heureusement l’idée lui vient de le chercher dans la poche de son voleur, le flacon y était déjà. La victime aide le malfaiteur à reprendre ses sens ; mais à peine ce scélérat a-t-il ouvert les yeux que son crime lui apparaît dans toute son horreur : il tombe dans le plus affreux désespoir ; la victime le rassure, le console : « Ah ! monsieur, dit le malfaiteur en sanglotant, c’est la première fois que cela m’arrive ; mais soyez tranquille, j’ai eu trop peur. Ah ! que c’est affreux de voler, on ne m’y reprendra