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LETTRES PARISIENNES (1837).

vous en saura aucun gré. Un auteur vulgaire aurait mis : « la vie et même la santé. » C’était une faute, car il faut toujours renchérir sur l’idée, il faut que le plus suive le moins, et la vie est plus que la santé. Il ne faut pas imiter cet orateur qui disait : « Cela est indispensable, et même nécessaire. » Vous voyez donc bien que, selon les lois du langage, le livret a raison de dire : la santé et même la vie.

Plusieurs autres explications de tableaux nous ont aussi frappé. Mademoiselle *** : Un Jeune homme, étude. — Madame Lagache Cow : les Mauvaises Pensées. — Une famille occupée à la pêche. La domestique s’est laissé surprendre par la marée (c’est la cuisinière, sans doute). Plus loin : Une Famille de lions. Touchante union ! Qui ne voudrait pas être introduit dans cette aimable famille ? Enfin : Jeune femme et son enfant effrayés par la rencontre d’un ours. Ainsi, on le voit, ce style est simple et naïf ; tout y est patriarcal, jusqu’aux animaux féroces, jusqu’aux lions, jusqu’aux ours. En parcourant ce livret, nous avons été étonné de la quantité de noms de femmes que nous y avons trouvés. Il y en a une ou deux presque à chaque page ; il y a même une page qui en contient quatre : mademoiselle Herminie Descemet, mademoiselle Demarcy, mademoiselle Lucie Denois et mademoiselle Fanny Demadières.

Les femmes envahissent le Salon, en attendant qu’elles envahissent les tribunaux et les préfectures, où tendent maintenant toutes leurs prétentions. Lisez plutôt le Journal des femmes. C’est là que l’on puise de sages enseignements ; c’est là que les femmes apprendront le secret infaillible de retrouver la dignité et de reconquérir le rang que la tyrannie de l’homme leur ravit depuis tant de siècles. En effet, si les femmes, au lieu de souffrir en silence, se décidaient à suivre les conseils de madame Poutret de Mauchamp ; si, au lieu de pleurer quand leurs maris les grondent, elles cassaient une glace ou une pendule dans la maison ; si, au lieu d’épier avec inquiétude à leur fenêtre le retour du perfide qui les abandonne, elles s’occupaient à couper, à détruire tout le linge de table, par vengeance, les hommes y regarderaient à deux fois : ils seraient moins brutaux et moins infidèles. Moins infidèles est ravis-