Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LE VICOMTE DE LAUNAY.

toutes ces choses parées, bigarrées, toutes ces étranges figures animées, coloriées, toutes ces tournures, toutes ces allures mises en valeur, toutes ces grâces déployées, croyez-vous que cela ne fasse pas un merveilleux effet ? Si vous aviez vu l’autre soir ces êtres fantastiques errer dans la salle Ventadour avec sept ou huit plumes sur la tête, plumes bleues, plumes rouges, plumes noires, plumes de paon, plumes de coq, plumes de toute espèce, chacun paré de la dépouille de son ennemi ; si vous aviez vu l’assurance et l’orgueil de tous ces fantômes, et les regards satisfaits jetés sur les glaces en passant, et la main officieuse réparant dans la toilette un désordre enchanteur, et la mèche solitaire qui orne le front ramenée religieusement sur le nez, qu’elle résiste à protéger, et dont elle n’aurait jamais dû s’écarter, et le petit soulier jaune ou chocolat bordé de rouge et de bleu, que l’on avance avec grâce, et ces coquillages inattendus, sur un déguisement quelconque, et ce luxe de petits ornements étonnés de se trouver ensemble, cette confusion, cette Babel de toutes les parures en une seule, cette générosité de tout ce qu’on possède, ces mille écrins ouverts en un même soir… vous diriez aussi comme nous : C’est bien amusant, un bal costumé ! Ah ! si jamais on vous offre encore de voir toutes ces choses pour un louis, donnez-le bien vite, c’est la plus belle affaire que vous ferez de votre vie.

Avez-vous vu la nouvelle statuette de Barre, d’après mademoiselle Taglioni ? c’est charmant ; on dirait un papillon qui se repose, on le regarde vite dans la crainte de le voir s’échapper.

Le Salon est rouvert, mais il demande de nouvelles études ; nous n’avons pas encore retrouvé nos trois melons. Les aurait-on portés au musée de Versailles ? cela n’est pas probable ; mais où sont-ils ? qu’on nous les rende, au nom de l’art et de la nature ! Hélas ! par le temps qu’il fait, nous n’en aurons peut-être pas d’autres de l’année ; les astronomes qui prétendent que ce printemps-là durera jusqu’au mois de septembre ! À bas les astronomes ! révoltons-nous !

L’opéra de M. de Flotow a été vivement applaudi samedi dernier chez M. le comte de Castellane. Alice était charmante ; Charles II est un acteur du premier ordre ; les chœurs étaient