sublime par un noble chant qu’il appelle la Marseillaise de la paix, et qui commence ainsi :
Roule, libre et superbe, entre tes larges rives,
Rhin ! Nil de l’Occident ! coupe des nations !
Et des peuples assis qui boivent tes eaux vives
Emporte les défis et les ambitions !
Il ne tachera plus le cristal de ton onde
Le sang rouge du Franc, le sang bleu du Germain ;
Ils ne crouleront plus sous le caisson qui gronde
Ces ponts qu’un peuple à l’autre étend comme une main !
Les bombes et l’obus, arc-en-ciel des batailles,
Ne viendront plus s’éteindre en sifflant sur tes bords.
L’enfant ne verra plus, du haut de tes murailles,
Flotter ces poitrails blonds qui perdent leurs entrailles,
Ni sortir des flots ces bras morts !
Comme ce début est grandiose et digne ! quel beau démenti donné à ce monsieur, à ce meinherr qui nous traite de corbeaux avides ! L’autre soir, nous étions plusieurs ouvriers en poésie réunis chez madame de G…, et nous nous disputions ces vers comme des confrères avides ; soit, mais non pas comme des corbeaux. Et chacun vantait la strophe qu’il préférait. « Voilà ma strophe, disait M. Théophile Gautier. — Voilà la mienne, disait M. de Balzac. — Ces vers-là sont bien beaux, reprenait M. Mennechet ; » et il lisait admirablement, comme vous savez :
Et pourquoi nous haïr et mettre entre les races
Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’œil de Dieu ?
Des frontières au ciel voyons-nous quelques traces ?
La voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ?
Nations ! mot pompeux pour dire barbarie !
L’amour s’arrête-t-il où s’arrêtent vos pas ?
Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie :
L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La fraternité n’en a pas !
Roule libre et royal entre nous tous, ô fleuve !
Et ne t’informe pas, dans ton cours fécondant,
Si ceux que ton flot porte ou que ton urne abreuve
Regardent sur tes bords l’aurore ou l’occident !
Ce ne sont plus des mers, des degrés, des rivières,
Qui bornent l’héritage entré l’humanité ;