ANNÉE 1844.
LETTRE PREMIÈRE.
Il faut pourtant bien vous raconter un jour le carnaval de l’année 1844.
Il a commencé d’une manière calme et digne, par des concerts. Les concerts sont les préludes naturels des plaisirs. Disons tout de suite que la plus belle de ces fêtes harmonieuses est celle qui a eu lieu chez madame la duchesse de Galliera. Il y avait là tout ce qui compose un concert irréprochable : un auditoire intelligemment et scrupuleusement choisi, d’excellents chanteurs, et d’excellents causeurs pour ceux qui n’aiment pas la musique ; et puis enfin cette particularité importante sans laquelle il n’est point de fête parfaite ; ce prétexte charmant qui sert à faire valoir toute chose, les riches parures, les tournures gracieuses, les démarches impériales, les robes à queue, les doubles tuniques, les triples volants ; ce moyen ingénieux de désencombrement subit, ce thème inépuisable qui sert à commencer toutes les conversations, ce but général où se rejoignent toutes les coquetteries particulières, cet intérêt de la soirée qui donne à la fête l’attrait et le mouvement, cette recherche d’élégance que nous nommerons le pèlerinage. Il n’est point de fête complète sans pèlerinage !
Or nous entendons par ce mot un voyage de curiosité fait à travers les vastes salons et les galeries en fleurs pour aller admirer un objet d’art merveilleux, relégué avec mystère ou plutôt conservé avec respect dans les appartements retirés de