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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/353

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LETTRES PARISIENNES (1844).

le contraire ; c’est l’esprit factice qui est monotone, l’esprit naturel est varié… mais il ne s’agit pas d’esprit ; tout le monde a reconnu cette vérité, que la beauté trop parfaite est monotone. De deux choses l’une : Ou les traits sont réguliers, et alors ils sont impérieux, la physionomie leur est soumise, ils la tiennent captive dans leur majesté, et ils ne lui permettent qu’une expression tempérée, qu’une mobilité circonspecte ; le type est un tyran jaloux qui ne tolère aucune légèreté, aucune infidélité ; il fait d’un noble visage un portrait vivant d’une beauté incontestable, mais fatigante ; c’est ennuyeux, une femme qui a toujours l’air d’un portrait qui attend un cadre…

Ou les traits sont d’une beauté étrange, d’une originalité saisissante… et alors leur despotisme est bien plus grand ; ils emprisonnent la physionomie dans sa propre originalité, ils la condamnent à une bizarrerie permanente plus fatigante encore que la majesté continuelle. Le type plus frappant est encore plus impérieux, il fait d’un admirable visage quelque chose de plus ennuyeux qu’un portrait vivant, il en fait une tête d’expression humanisée, et c’est très-ennuyeux une femme qui, à table, au bal, au whist, au spectacle, en commandant son dîner, en écoutant Bouffé aux Variétés, en regardant Arnal au Vaudeville, Auriol à Franconi, a toujours l’air de Corinne improvisant au Capitole, de Velléda sacrifiant au dieu Irminsul, ou de Daïdha fuyant au désert avec Cédar… Et cela toujours, toujours, parce que rien n’est plus monotone qu’une originalité excessive.

Les femmes qui ne sont ni belles ni laides ont du moins cette supériorité : elles sont maîtresses de leurs aspects. Excepté admirables, elles sont tout alternativement ; et pour plaire beaucoup et longtemps, il vaut mieux n’être jamais que charmante, mais de mille façons, que d’être toujours superbe de la même manière.

Les belles femmes ont encore une autre infériorité : elles sont, en général, très-honnêtes, nous ne disons pas vertueuses ; il n’est pas question ici de moralité ; nous ne parlons point de l’honnêteté de la conduite, mais de l’honnêteté du caractère ; les belles femmes ont presque toujours de la droiture dans le cœur et de la naïveté dans l’esprit ; les autres femmes, sans