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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/382

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LE VICOMTE DE LAUNAY.

çant… Elles ont des répugnances mystérieuses et invincibles qui leur font pressentir les trahisons avant que les traîtres eux-mêmes aient arrêté leur plan de perfidie. En politique et en affaires, le jugement des femmes n’est pas à dédaigner. Mais dans les choses qu’elles croient de leur compétence, et cependant qui exigent des connaissances étendues, des études approfondies, comme les arts et la littérature, l’influence des femmes est toujours mauvaise. Leur demi-instruction les égare, elles prennent leurs opinions toutes faites dans les livres, et elles perdent ainsi ce qui donnerait de la valeur à leur jugement : la fraîcheur et la sincérité de leurs impressions.

Molière avec raison consumait sa servante…


Sa servante, oui ; mais il ne consultait pas sa femme. Les femmes bien élevées ont, en général, le goût faux en littérature. Ô poëtes ! aimez-les, chantez-les, mais ne les consultez pas. Demandez-leur des inspirations toujours, ne leur demandez jamais de conseils ; ce sont souvent des muses bienfaisantes, ce sont rarement des juges éclairés. Écrivez pour elles, mais malgré elles. Chaque fois que l’on remarque une mode monstrueuse, un excès de ridicule dans une époque littéraire, on doit tout de suite en accuser les femmes de ce temps-là ; elles seules en sont coupables. N’en déplaise à M. Ed. Mennechet, — qui célébrait l’autre jour avec tant d’esprit et d’enthousiasme l’influence des femmes sur la littérature, — l’autorité de l’hôtel de Rambouillet a été funeste à la langue française, elle l’a privée de ses mots les plus sonores, de ses plus poétiques images. L’influence des femmes en littérature n’est guère plus salutaire aujourd’hui. C’est à cette douce influence que nous devons les horreurs à la mode. Ces adorables créatures aiment les crimes, les descriptions détaillées des lieux infâmes ; on les sert selon leur goût. Vous criez contre les auteurs et contre les journalistes ; est-ce leur faute s’ils sont forcés de vous offrir de telles peintures ? Ils avaient tous commencé par de riants tableaux, on ne les a point regardés : alors il leur a bien fallu chercher d’autres sujets pour attirer les yeux. M. Frédéric Soulié, que vous attaquez si violemment, faisait jadis de jolis