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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/381

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LETTRES PARISIENNES (1845).

d’exiger ce puéril sacrifice, on nous a défendu de les révéler ; mais rassurez-vous, femmes outragées ! ces noms vous consoleraient, cette malveillance est naturelle : « Les hommes du second rang n’aiment pas non plus les femmes du premier. »

Quant à nous, nous avons complètement admiré le beau discours de notre illustre ami, même le passage incriminé… Nos idées sur l’influence des femmes sont fort singulières : nous vous les avons confiées il y a un an, et depuis cette époque rien n’a été changé dans nos croyances. Toutes les fois qu’il faudra agir avec la divination et avec l’instinct, les femmes seront supérieures aux hommes ; toutes les fois qu’il faudra agir avec le raisonnement, avec la science, les hommes auront sur elles une formidable supériorité. Les femmes ne veulent pas assez comprendre que toute leur force est dans leur faiblesse, dans l’exquise délicatesse de leurs sens, dans la maladive irritabilité de leurs nerfs. Une femme bien organisée, qu’une instruction malfaisante n’a pas encore dénaturée, possède tous les dons merveilleux des dormeurs lucides, tous les phénomènes intelligents des animaux privilégiés. Comme le somnambule, malgré la volonté, elle sait lire dans la pensée ; comme l’aigle à travers la nue, elle sait pressentir sa proie dans l’espace ; comme le cheval au milieu des ténèbres, elle sait marcher à travers les précipices, elle aspire et reconnaît comme lui le souffle des abîmes ; elle sait tout, quand vous ne lui apprenez rien. Toute femme en naissant contient une pythonisse, et c’est un grand tort qu’elle a d’étouffer en elle la voix vibrante du Dieu qui lui dicte la vérité, pour écouter la voix nasillarde des pédants qui lui serinent les vains mots de leur inutile et fausse science.

Aussi l’influence des femmes n’est-elle grande et salutaire que précisément dans les choses auxquelles elles n’entendent rien du tout. En politique et en affaires, par exemple, les femmes sont quelquefois très-heureusement inspirées. Là, comme leur instinct n’est point faussé par un demi-savoir, il les guide merveilleusement ; elles ont alors des hallucinations fiévreuses qui les avertissent avant tout le monde des événements qui sont dans l’air… Elles ont des frissons prophétiques qui leur annoncent bien avant l’heure le danger qui est mena-