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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/399

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LETTRES PARISIENNES (1845).

sur les fronts : guirlandes de printemps, guirlandes de roses fanées ayant pour tige un fil de fer, pour épines des fils de laiton ; bref, guirlandes de fleurs naturelles. Cette parure n’est pas fraîche, mais elle est au moins d’une forme gracieuse ; elle vaut mieux, selon nous, que ces affreux panaches nacarat que les jeunes femmes avaient adoptés cet hiver pour coiffure de concert ; cela se mettait avec une robe de velours nacarat ornée de cinq ou six volants de dentelles, ce qui avait l’avantage de métamorphoser à l’instant même une jeune et belle femme, une nouvelle mariée, en une vieille tante du Gymnase. Du satin sous des dentelles, c’est charmant ; mais des dentelles sur du velours, quelle profanation ! et c’était pourtant la grande mode cette année. Il y avait encore une autre invention qui était fort à la mode, c’était une coiffure composée de deux touffes de marabouts blancs posées de chaque côté des joues. La jolie madame de B… était, l’autre soir, coiffée de cette façon ; elle minaudait et souriait très-gentiment : ses admirateurs lui disaient qu’elle avait l’air d’une jolie petite chatte ; mais son oncle (un oncle est un frondeur donné par la nature), s’approchant d’elle d’un air maussade, lui jeta ces mots d’un ton bourru : « Ma nièce, pourquoi avez-vous volé les favoris de Polichinelle ? C’est très-mal et c’est très-laid ! »

Elle était furieuse, mais nous avons bien ri.

Il y aura, de lundi en huit, grande fête à l’ambassade de Belgique, dans ce même hôtel déjà célèbre du temps de l’Empire par ces bals masqués que l’empereur aimait tant. Il y arrivait à neuf heures précises en domino ; il ne parlait à personne, personne n’osait lui parler, et il y restait jusqu’à trois heures du matin. Qu’est-ce qui pouvait donc tant lui plaire dans ces fêtes ? L’intrigue ?… il n’y en avait pas ; l’incognito ? on le nommait tout haut. — C’était le masque… Un masque solidement attaché ! quelle jouissance pour un souverain !

À propos de l’empereur et de l’Empire, M. Thiers a envoyé son dernier ouvrage à M. Guizot. On raconte que ces deux adversaires politiques se sont rencontrés ces jours-ci chez madame la princesse de Lieven. En entendant annoncer M. Thiers, madame de Lieven a d’abord voulu faire défendre sa porte à M. Guizot ; mais M. Thiers ayant réclamé avec