L’école mystérieuse, qui a des prétentions artistes, préfère mademoiselle Baudrand, parce qu’elle choisit pour ses modèles les peintres les plus célèbres. Ainsi cette noble et sévère coiffure qu’on a tant admirée à la dernière réception des ambassadeurs, ce charmant chapeau de velours grenat orné de plumes blanches que portait madame l’ambassadrice d’A…, était copié d’après un portrait de Rubens. Tout le monde parlait aussi de la ravissante coiffure de la belle madame de M… : un voile léger drapé gracieusement autour de la tête. Chacun disait : « Que c’est de bon goût ! que c’est distingué ! que c’est nouveau ! » — Nouveau ! c’est la coiffure de la Vierge aux Raisins, exactement copiée. Une pluie d’or et d’argent tombée sur ce chaste voile a seule changé la coiffure divine en parure mondaine. — Et ce joli petit bonnet de madame de V…, de tulle blanc, orné de bouquets blancs, sur lequel est jetée coquettement cette marmotte de dentelle noire nouée sous le menton, il n’est pas de Raphaël, celui-là, non… mais il doit être de Chardin, de Lancret ou de Watteau, d’un de ces Raphaëls rococos des plaisants jours de la Régence, à moins qu’il n’ait été composé d’après quelque bergère de porcelaine, ce qui serait encore plus classique.
Les élèves de l’école tapageuse font faire toutes leurs robes chez madame Camille. Quelle imagination ! quelle érudition dans le talent de cette grande artiste ! Pour ses chapeaux, mademoiselle Baudrand étudie la peinture ; pour ses robes, madame Camille étudie la haute littérature. Tous les costumes de théâtre, de tragédies, de drames, de mélodrames, modifiés avec art, vulgarisés avec intelligence, ont été régénérés par elle victorieusement. Corsages grecs, manches turques, vestes polonaises, tuniques chinoises, tout l’inspire, et, de tous ces vêtements étrangers, elle fait des robes françaises. C’est bizarre, audacieux, mais c’est toujours joli. C’est elle qui a fait, pour le mariage de la reine d’Espagne, une robe de noce ornée de douze couronnes représentant les douze royaumes des Espagnes. Mademoiselle Palmyre est toujours la favorite des élégantes qui professent le respect du style. Cependant nous avons vu hier de bien jolies robes qui ne venaient point de chez elle.