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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/413

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LETTRES PARISIENNES (1847).

Vous saurez que l’école mystérieuse protège une couturière mystérieuse qui est pleine de goût et de talent, mais dont on ne veut absolument pas nous donner l’adresse. Quatre femmes de la plus exquise élégance l’ont accaparée et la tiennent dans l’ombre perfidement. Un si noir égoïsme mérite d’être dénoncé. L’autre soir, nous rencontrons l’une d’elles belle et parée ; elle revenait des Tuileries ; par parenthèse, elle était à moitié morte. Il y avait là près de quatre mille personnes. Le roi, très-spirituellement, dit toujours à ses courtisans : « Pas d’étiquette, je ne veux pas d’étiquette ! » or vous devinez ce que cela peut produire, une réunion de quatre mille personnes avec ce mot d’ordre : Pas d’étiquette ! Donc cette femme si belle était mourante ; pendant qu’elle gémissait, nous admirions sa robe et la garniture de cette robe : cinq rangs de bouillons de tulle dans lesquels étaient mêlées de longues épines de satin. Cet ornement était riche, léger, d’un effet charmant. « Quelle jolie robe !… C’est mademoiselle Palmyre qui l’a faite ? — Non, c’est une petite couturière inconnue. »

Une des plus célèbres élégantes de Paris faisant cette réponse, c’était suspect. Notre attention fut dès lors éveillée. Hier, nous étions chez une femme d’esprit qui a la passion de la toilette. « Madame, lui dit-on, on apporte les robes. » Ses regards brillèrent à ces mots. — Voyons les robes ! nous sommes-nous écrié par curiosité et aussi par flatterie. Trois robes superbes furent exposées avec pompe : d’abord, une robe de bal à colonnes de velours épinglé blanc, coupant dans presque toute la robe de légers bouillons de tulle blanc. Il est impossible de donner une idée de cette robe si originale et si nouvelle, et cependant si simple ; puis, une robe de tulle lilas à trois tuniques ; le bas de chaque tunique est orné d’une chaîne d’anneaux d’or et d’argent. On comprend tout de suite que cette parure est ravissante ; enfin, une redingote que nous appellerons un négligé de princesse, une redingote de gros de Naples blanc ornée de nœuds de satin blanc terminés par des aiguillettes ou plutôt des ferrets d’argent ; pour mettre avec cette robe, un mantelet de la même étoffe.

« Dites-moi tout de suite quelle est la fée qui vous envoie toutes ces belles robes ? dites-moi qui a fait cela ? — Eh ! mon