la tête, il se présentait noblement, etc., etc. » Les hommes d’alors, les hommes les plus sérieux, s’inquiétaient donc beaucoup de l’air qu’ils avaient ; ils s’étudiaient à se présenter noblement, à porter la tête avec grâce. Aujourd’hui, nous ne nous en plaignons pas, mais nous le constatons, ce n’est pas de cela que se préoccupent les hommes, surtout ceux de la nouvelle cour ; ce sont pour la plupart des gens arrivés à une belle position par eux-mêmes, par le travail, par les affaires, par les capricieuses combinaisons de la politique ; ils sont sans doute beaux et charmants, mais ils n’ont pas appris à le paraître ; ils ne savent point porter facilement un habit prétentieux ; l’épée les tracasse, le bas de soie les humilie, le reste les attriste ; ils sont timides, compassés, gênés, malheureux, comme des Turcs en frac, comme des cygnes à pied, des chevaux à bord, et c’est, vous l’avouerez, une cruauté sans pareille que de forcer ces hommes graves, d’un mérite incontestable, d’une haute intelligence, qui partout ailleurs sont admirés, honorés, écoutés, qui vous sont dévoués et fidèles, qui luttent, qui veillent, qui votent, et qui quelquefois meurent pour vous, à venir tous les quinze jours dans un palais, pour y être huit heures laids et ridicules ; et cela, en présence des étrangers qui les contemplent pour leur importance et pour leur célébrité, et à la grande satisfaction de vos ennemis, qui justement se font une arme contre vous de la vulgarité, de la rusticité de vos courtisans. Oh ! de grâce, point de bal d’étiquette, mais aussi point de bal sans façon ! Que nous avons l’esprit mal fait ! nous n’aimons pas que l’on soit en habit habillé, et nous n’aimons pas non plus que l’on se mette en pierrot. On nous répond que le bal du lundi gras était un tout petit bal intime. Qu’importe ! on sait toujours partout ce qui se fait au château, et tous ces pierrots, dans cette demeure royale, dont une partie est vouée à un deuil éternel, cela troublait les esprits les plus indifférents. Il est certaines joies que doivent effaroucher certains souvenirs. Un grand bal costumé, à la bonne heure ! c’est un bienfait pour le commerce, cela donne du travail à beaucoup de monde, cela fait dépenser beaucoup d’argent ; mais un bal de pierrots… cela ne fait rien dépenser du tout, que de la farine, et ce n’est peut-être pas le moment.
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LETTRES PARISIENNES (1847).