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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/451

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LETTRES PARISIENNES (1847).

C’est là le vrai mot de l’énigme. Une femme qui a épluché des carottes, et qui n’en est pas fière, ce qui eût été spirituel : car jamais une personne intelligente, parvenue par son intelligence, n’a rougi de son origine ; au contraire, elle sent que ces souvenirs font sa force ; plus l’échelon d’où elle est partie était bas, plus il lui a fallu de courage et de talent pour atteindre le sommet de l’échelle… donc, une femme qui a épluché des carottes et qui en rougit est à jamais implacable. Un ambitieux qui ne se pardonne pas à lui-même son passé ne le pardonnera jamais à personne ; il en voudra toute sa vie à ceux qui ont le bonheur de n’avoir pas fait ce qu’il a fait. L’addition est bien simple à faire : une femme orgueilleuse qui a lavé de la salade, qui a demandé des lettres de noblesse et ne les a pas obtenues, cela donne, au total, une farouche républicaine. Non, non, l’auteur des Girondins ne l’aime pas ; la preuve, c’est qu’il ne la fait pas aimer. Quelle différence ! comme on voit qu’il lui préfère madame de Staël ! de quelles couleurs diverses il dépeint leurs deux salons ! Comme l’une est bien reine, hospitalière, dans le sien, éclairant tout de son génie, surveillant, attisant, inspirant la conversation, tout occupée à faire valoir son esprit et celui de ses amis, partageant franchement sa gloire avec l’homme qu’elle aime et le créant à son image !… Comme l’autre, au contraire, a une attitude pédante et vulgaire dans son salon ! On dirait une maîtresse de pension bourgeoise donnant à dîner à des étudiants mal élevés, une sordide gouvernante de vieillard tout occupée de cacher les infirmités du bonhomme aux imprudents qui travaillent à faire sa fortune. Vous dites que le chantre d’Elvire a déifié madame Roland ; il a plus noblement déifié Elvire. Madame Roland, malgré les belles phrases du grand poëte, paraît encore dans son livre telle qu’elle est à nos yeux, peut-être prévenus, un mauvais bas bleu éclaboussé de sang. Non, non, ce n’est pas là le rôle de la femme dans les révolutions ; demandez à Jeanne d’Arc, demandez même à Charlotte Corday. La mort de madame Roland est belle sans doute, nous l’admirons comme un beau rôle bien joué ; mais cette mort elle-même était un châtiment ; l’Égérie des Girondins avait ouvert l’abîme, elle y tombait, c’était justice. Nous l’avouons, dût-on nous