Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/356

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La Comtesse à part.

Cher Hector, il tremble encore plus que moi !

Hector.

Ah ! je suis impatient de l’entendre ; j’en ai la fièvre…

(Il sonne à gauche.)
La Comtesse à un domestique qui paraît.

Mademoiselle Jeanne ! (Le domestique sort par la droite.) Elle est là dans ma chambre, elle essaye les robes de son trousseau. — Par quoi commencer ce triste interrogatoire ? comment aborder ce pénible sujet ?

Hector.

Demandez-lui d’abord si elle connaît ce monsieur.

La Comtesse.

Non ! oh non ! ce serait l’avertir de l’importance que nous attachons à ses réponses. Non, tenez, prenez un journal, et faites comme si nous causions des nouvelles qu’il donne… Je l’entends… Oh ! je me sens frissonner !


Scène IX.

HECTOR assis à la table, LA COMTESSE sur le canapé, JEANNE.
(Jeanne, habillée pour le soir, robe blanche, entre en attachant ses nœuds, ses bracelets, et se place debout devant la table, à droite.)
Jeanne à elle-même.

J’ai essayé toutes mes robes. Il y en a deux en velours, une verte et une noire… et elles me vont !… Ah ! la robe verte surtout. Madame Camille le disait elle-même : « Cette robe-là vous grandit de deux pouces et vous vieillit de dix ans ! » J’ai l’air d’une vraie dame. Oh ! quand j’aurai cette belle robe-là, on ne m’appellera plus la petite Jeanne… ce qui commence à m’ennuyer. — Vous m’avez fait demander, maman ? (Elle va se placer derrière le canapé, entre Hector et sa mère qu’elle regarde.) Comme tu es pâle ! est-ce que tu es malade ?

La Comtesse.

Non, mon enfant.

Jeanne.

Tu as l’air d’avoir du chagrin.

La Comtesse.

Je n’ai rien.