Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/461

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Gonzalès.

Pourquoi ?

Rodrigues.

« Précisément par la raison que tu me donnais tout à l’heure. » Parce que tu es son mari.

Gonzalès.

Eh ! je l’aime bien, moi, quoiqu’elle soit ma femme…

Rodrigues.

Oh ! que c’est différent ! une femme même mariée est toujours une femme, tandis qu’un homme marié n’est plus un homme : c’est un mari, c’est-à-dire un butor.

Gonzalès.

Mais…

Rodrigues.

Tu as beau te récrier, je suis dans le vrai… Autant les femmes sont mignonnes, soignées, élégantes, autant les maris sont grossiers et laids.

Gonzalès.

Pas tous… parle pour toi.

Rodrigues.

Moi, je suis très-laid, peut-être pas comme cela, mais en négligé je suis fort laid… Oh ! c’est une justice que je rends à ma femme… en bonnet de nuit je suis affreux ! « Et puis nous sommes mal mis, mal peignés, et très-sales, que diable ! je le sais bien, nous n’avons aucun des soins recherchés et élégants de nos compagnes. Toute la journée nos femmes lavent leurs jolis doigts avec des pâtes qui embaument ; nous autres, nous avons beau frotter nos grosses mains, elles sont toujours sales…

» Gonzalès.

» Ah !

» Rodrigues.

» Les miennes sont sales, regarde ; je les ai pourtant bien brossées ce matin, eh bien ! tu le vois, elles sont sales… Et tu veux, animal, tu veux qu’on t’adore avec des mains comme celles-là ! allons donc ! »

Gonzalès.

Eh bien, tu as raison, un mari est un être repoussant, désenchantant, ennuyeux, odieux ; je t’accorde ça ; et toi