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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/462

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particulièrement, tu es tout cela plus que tout autre ; es-tu content ?

Rodrigues riant.

Oui.

Gonzalès.

Mais moi, Rodrigues, moi, je ne suis pas un mari pour elle… je n’ai jamais été un mari… je suis un amant, un amant passionné. — Jamais elle ne m’a vu maussade, ni malade, ni négligé… ni mari enfin ! et c’est parce que, depuis quatre ans, jamais, jamais un seul jour, je n’ai été pour elle un mari, que je me crois le droit de n’être jamais traité par elle en mari… Comprends-tu ?

Rodrigues se levant.

Oui… et même ce que tu me dis là me fait grand plaisir.

Gonzalès.

Pourquoi ?…

Rodrigues.

C’est que j’avais quelquefois des remords d’avoir été sans gêne et grossier envers ma femme… mais maintenant que je découvre que lorsqu’on est doucereux et troubadour, il vous arrive absolument la même chose, ça me soulage, cela me console tout à fait, et même j’aime mieux ma position que la tienne… moi, je n’ai pas été dupe…

Gonzalès se levant aussi.

Mais je ne suis pas dupe, et tu ne l’es pas non plus ; ta femme est très-honnête, pourquoi la soupçonner ?

Rodrigues.

Allons, bon ! le voilà qui fait de l’aveuglement pour mon compte !… Je te dirai à mon tour : Parle pour toi, que diable !

Gonzalès.

Si cela te flatte, crois que ta femme te trompe, mais ne me force pas d’imiter tes vertus philosophiques.

Rodrigues.

J’en conviens… oh ! les premiers moments sont cruels, mais tu t’y feras, et tu verras bientôt que cette situation de dupe vénérée n’est pas sans douceur et sans avantages. Ces chères petites perfides, comme elles deviennent aimables et prévenantes sitôt qu’elles vous ont offensé ! avec quels soins toujours nouveaux elles cherchent à réparer le tort secret