Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/486

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n’ai pas eu le stoïcisme de passer devant cette porte sans essayer de vous présenter mes hommages.

Julie avec coquetterie.

J’avais deviné cela, citoyen, et je vous ai fait préparer de cette fraîche limonade que vous aimez.

Rosette.

L’aimable attention ! mais ce qui me touche, c’est que vous m’ayez deviné… deviner une faiblesse, c’est la comprendre et la pardonner.

(Finot apporte à boire. Rosette boit ardemment.)
Finot à part.

Il avait soif, le gouvernement !… Un gouvernement qui veut être fort et qui boit de la limonade !

(Il sort.)
Rosette.

Quelle chaleur ! mais aussi quel beau temps ! Ah ! cette nuit la lune était admirable… j’ai été obligé de courir le pays çà et là pour surveiller… de loin… quelques visites domiciliaires, et tout en accomplissant ce rigoureux devoir, j’admirais l’azur de cette voûte sombre et je me disais que je comprenais bien — oh ! mais très-bien — le culte des amants pour Phébé, la chaste déesse de la nuit… Je me disais encore bien d’autres choses que je n’oserais…

Julie.

En revenant, vous avez dû passer sous mes fenêtres.

Rosette, vivement.

Vous n’y étiez pas… Oh ! je me trahis !… Eh bien, pourquoi ne l’avouerais-je pas ?… oui, j’ai passé et repassé sous cette fenêtre et je suis resté là une grande heure à guetter… (Gentiment.) Je guettais… j’espérais que la beauté de la nuit vous attirerait à cette fenêtre… je me disais….

Julie.

Prenez garde… vous n’osiez pas dire !…

Rosette.

Méchante !… laissez-moi oser… je me disais : Elle ne dort pas… non, elle ne dort pas… il fait trop chaud… que fait-elle ?… Pourquoi ne vient-elle pas respirer l’air frais… contempler les splendeurs nocturnes ?… Si elle savait que je suis là… peut-être… que… Ah ! la nuit, il est permis de