Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/23

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ces conversations que l’esprit de Bastiat faisait son travail ; c’est là que ses idées se développaient, et quand quelqu’une le frappait plus particulièrement, il prenait quelques heures de ses matinées pour la rédiger sans effort ; c’est ainsi, raconte M. Coudroy, qu’il a fait l’article sur les tarifs, les sophismes, etc. Ce commerce intime a duré, nous l’avons dit, plus de vingt ans, presque sans interruption, et chose remarquable, sans dissentiments. On comprend après cela comment de cette longue étude préparatoire, de cette méditation solitaire à deux, a pu s’élancer si sûr de lui-même cet esprit improvisateur, qui à travers les interruptions de la maladie et les pertes de temps énormes d’une vie continuellement publique et extérieure, a jeté au monde, dans l’espace de cinq ans, la masse d’idées si neuves, si variées et pourtant si homogènes que contiennent ces volumes.

Membre du Conseil général des Landes depuis 1832, Bastiat se laissait porter de temps en temps à la députation. Décidé, s’il eût été nommé, à ne jamais accepter une place du gouvernement et à donner immédiatement sa démission des fonctions modestes de juge de paix, il redoutait bien plus qu’il ne désirait un honneur qui eût profondément dérangé sa vie et probablement sa fortune. Mais il profitait, comme il le racontait en riant, de ces rares moments où on lit en province, pour répandre dans ses circulaires électorales, et « distribuer sous le manteau de la candidature » quelques vérités utiles. On voit que son ambition originale intervertissait la marche naturelle des choses ; car il est certainement bien plus dans les usages ordinaires de faire de l’économie politique le marchepied d’une candidature, que de faire d’une candidature le prétexte d’un enseignement économique. Quelques écrits