Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/256

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la France verrait cesser son éternelle adolescence ; elle rougirait du puérilisme honteux dans lequel elle végète, elle se ferait homme ! Oh ! vienne ce jour, et je le saluerai comme le plus beau de ma vie. Ne cesserons-nous jamais d’attacher la gloire au développement de la force matérielle, de vouloir trancher toutes les questions par l’épée, de ne glorifier que le courage du champ de bataille, quels que soient son mobile et ses œuvres ? Comprendrons-nous enfin que, puisque l’opinion est la reine du monde, c’est l’opinion qu’il faut travailler, c’est à l’opinion qu’il faut communiquer des lumières qui lui montrent la bonne voie et de l’énergie pour y marcher ?

Mais après l’enthousiasme est venue la réflexion. Je tremble que quelque germe funeste ne se glisse dans les commencements de notre ligue, par exemple l’esprit de transaction, de transition, d’attermoiements, de ménagements. Tout est perdu si elle ne se rallie, si elle n’adhère étroitement à un principe absolu. Comment les ligueurs eux-mêmes pourraient-ils s’entendre, si la ligue admettait divers principes, à diverses doses ? Et s’ils ne s’entendaient pas entre eux, quelle influence pourraient-ils exercer au dehors ? — Ne soyons que vingt, ou dix, ou cinq ; mais que ces vingt, ou dix, ou cinq aient le même but, la même volonté, la même foi. Vous avez assisté à l’agitation anglaise ; je l’ai moi-même beaucoup étudiée, et je sais (ce que je vous prie de bien dire à nos amis) que si la Ligue eût fait la moindre concession, à aucune époque de son existence, il y a longtemps que l’aristocratie en serait débarrassée.

Donc, qu’une association se forme en France ; qu’elle entreprenne d’affranchir le commerce et l’industrie de tout monopole ; qu’elle se dévoue au triomphe du principe, et vous pouvez compter sur moi. De la parole, de la plume, de la bourse, Je suis à elle. S’il faut subir des poursuites judiciaires, essuyer des persécutions, braver le ridicule, je